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D’autres vraies histoires – Une plongée dans les petites histoires de la vie

Info pratique

Samedi 30 novembre 2024 – Dès 10 ans
Dès 19h: rencontre littéraire avec l’Espace Livres de Sombreffe et la Librairie Point Virgule.
20h30: spectacle
Ligny 1815 Museum
Rue Pont Piraux 23
5140 Ligny

Tarif unique : 12€

Poète, romancier, scénariste, réalisateur… On ne compte plus les talents Paul Auster. Petit clin d’œil belge, il est également traducteur de l’œuvre de Georges Simenon.

En 2000, il lance un appel aux auditeurs de la radio publique américaine :

« J’ai expliqué aux auditeurs que je cherchais des histoires. Celles-ci devraient être vraies, elles devraient être brèves, mais il n’y aurait aucune restriction quant aux sujets ni au style. Ce qui m’intéressait le plus, c’étaient des histoires non conformes à ce que nous attendons de l’existence, des anecdotes révélatrices des forces mystérieuses et ignorées qui agissent dans nos vies, dans nos histoires de famille, dans nos esprits et nos corps, dans nos âmes. En d’autres termes, des histoires vraies aux allures de fiction. Avec leur aide, j’espérais constituer des archives véridiques, un musée de la réalité américaine. »

Il a reçu plus de 4.000 histoires des auditeurs et en a sélectionné 178 qu’il a romancées dans son livre « Je pensais que mon père était Dieu et autres récits de la réalité américaine ». Dans une connivence délicate, Nathalie de Pierpont (Compagnie de l’Arbre rouge asbl) propose au public de tirer au sort certaines de ces poésies immédiates pour vous les conter dans une mise en scène éphémère créant un enchantement inattendu.

Extrait du livre: CÔTELETTE DE PORC

« Au début de ma carrière – je remets les lieux en état après un crime –, on m’a envoyé chez une femme qui habitait Crown Point, en Indiana, à deux heures environ de chez moi. Lorsque je suis arrivé, Mrs. Everson a ouvert la porte et j’ai aussitôt senti l’odeur de sang et de chair qui émanait de la maison. J’ai compris qu’il devait y avoir un sacré foutoir là-dedans. Un assez grand berger allemand suivait Mrs. Everson partout où elle allait. Mrs. Everson m’a raconté qu’en rentrant chez elle, elle avait trouvé la maison silencieuse, bien que son beau-père vieillissant et très malade y habitât. Son berger allemand me flairait avec la curiosité dont font preuve en général les gros carnivores.
La lumière étant allumée dans la cave, elle avait compris que son beau-père devait se trouver là, en bas. Elle l’avait découvert effondré dans un fauteuil. Il s’était fourré un fusil de chasse calibre douze dans la bouche et avait appuyé sur la détente, emportant une grosse partie de sa tête et éparpillant de la cervelle, de l’os et du sang partout dans la cave aménagée.
Je suis descendu jeter un coup d’œil et j’ai compris que je devrais enfiler une combinaison en “tyvek”. Plus pour protéger mes vêtements du sang que pour me protéger d’une éventuelle contagion. “Bon Dieu, quel bordel”, que je me suis dit. Malgré tous mes efforts, je me suis bientôt retrouvé couvert de sang de la tête aux pieds. J’ai beau faire ce boulot depuis longtemps, je le trouve toujours crasse et dégoûtant. Je suppose que c’est bon signe.
J’ai fait plusieurs fois le voyage jusqu’à mon camion avec des objets contaminés provenant de la cave : morceaux de plafond, bouts de vêtements, parties du fauteuil sur lequel le vieux était assis. Je remarquais que le chien curieux commençait à me suivre partout avec de plus en plus d’intérêt. J’ai appris qu’il vaut souvent mieux ne rien dire quand quelqu’un est dans la peine. Mais cette dame était assise à la table de sa cuisine, la tête baissée, en train de sangloter comme si elle n’avait encore jamais pleuré de sa vie. 
J’ai pensé qu’il fallait que je lui parle pour la détendre. Son chien continuait à me suivre dans toute la maison pendant que je travaillais, et je me suis dit que j’allais me servir de ça pour briser la glace. “Vous savez quoi, Mrs. Everson ? que j’ai dit. Votre chien doit être le plus amical que j’aie jamais rencontré.” D’un coup, comme si on lui avait versé un verre d’eau froide sur la tête, Mrs. Everson s’est redressée, elle m’a regardé comme si j’étais stupide et elle m’a dit : “Ben oui ! Vous puez comme une côtelette de porc !

ERIC WYNN
Warsaw, Indiana »

Paul Auster