D’autres vraies histoires – Une plongée dans les petites histoires de la vie – FINI

Info pratique
Samedi 30 novembre 2024 – Dès 10 ans Dès 19h: rencontre littéraire avec l’Espace Livres de Sombreffe et la Librairie Point Virgule. 20h30: spectacle |
Ligny 1815 Museum Rue Pont Piraux 23 5140 Ligny |
Tarif unique : 12€ |
Des anecdotes de la vie quotidienne, écrite par des auditeurs de la Radio Publique Américaine et reprise par Nathalie de Pierpont.
Entrez dans son salon, piochez les histoires dans ses poches, laissez-vous bercer et tissez des liens.
Extrait du livre: CÔTELETTE DE PORC
« Au début de ma carrière – je remets les lieux en état après un crime –, on m’a envoyé chez une femme qui habitait Crown Point, en Indiana, à deux heures environ de chez moi. Lorsque je suis arrivé, Mrs. Everson a ouvert la porte et j’ai aussitôt senti l’odeur de sang et de chair qui émanait de la maison. J’ai compris qu’il devait y avoir un sacré foutoir là-dedans. Un assez grand berger allemand suivait Mrs. Everson partout où elle allait. Mrs. Everson m’a raconté qu’en rentrant chez elle, elle avait trouvé la maison silencieuse, bien que son beau-père vieillissant et très malade y habitât. Son berger allemand me flairait avec la curiosité dont font preuve en général les gros carnivores.
La lumière étant allumée dans la cave, elle avait compris que son beau-père devait se trouver là, en bas. Elle l’avait découvert effondré dans un fauteuil. Il s’était fourré un fusil de chasse calibre douze dans la bouche et avait appuyé sur la détente, emportant une grosse partie de sa tête et éparpillant de la cervelle, de l’os et du sang partout dans la cave aménagée.
Je suis descendu jeter un coup d’œil et j’ai compris que je devrais enfiler une combinaison en “tyvek”. Plus pour protéger mes vêtements du sang que pour me protéger d’une éventuelle contagion. “Bon Dieu, quel bordel”, que je me suis dit. Malgré tous mes efforts, je me suis bientôt retrouvé couvert de sang de la tête aux pieds. J’ai beau faire ce boulot depuis longtemps, je le trouve toujours crasse et dégoûtant. Je suppose que c’est bon signe.
J’ai fait plusieurs fois le voyage jusqu’à mon camion avec des objets contaminés provenant de la cave : morceaux de plafond, bouts de vêtements, parties du fauteuil sur lequel le vieux était assis. Je remarquais que le chien curieux commençait à me suivre partout avec de plus en plus d’intérêt. J’ai appris qu’il vaut souvent mieux ne rien dire quand quelqu’un est dans la peine. Mais cette dame était assise à la table de sa cuisine, la tête baissée, en train de sangloter comme si elle n’avait encore jamais pleuré de sa vie.
J’ai pensé qu’il fallait que je lui parle pour la détendre. Son chien continuait à me suivre dans toute la maison pendant que je travaillais, et je me suis dit que j’allais me servir de ça pour briser la glace. “Vous savez quoi, Mrs. Everson ? que j’ai dit. Votre chien doit être le plus amical que j’aie jamais rencontré.” D’un coup, comme si on lui avait versé un verre d’eau froide sur la tête, Mrs. Everson s’est redressée, elle m’a regardé comme si j’étais stupide et elle m’a dit : “Ben oui ! Vous puez comme une côtelette de porc !”
ERIC WYNN
Warsaw, Indiana »
Paul Auster
